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Parlons santé mentale pour quelques minutes


Saviez-vous que «selon des calculs récents, qui tiennent compte des coûts indirects liés aux problèmes de santé mentales, l’économie canadienne perdrait jusqu’à 30 milliards de dollars par année à cause de problèmes de santé mentale et de toxicomanie.»1? Cela ne date pas d'hier, nous commençons à peine à percer les tabous des problèmes de santé mentale et pourtant un Québécois sur cinq sera touché par celles-ci de près ou de loin au cours de sa vie2. Ce fléau silencieux est oublié par le gouvernement et les personnes affectées sont laissées à elles-mêmes tant qu'«ils ne sont pas un danger pour elles-mêmes ou pour autrui». Les besoins sont criants mais nos gouvernements font la sourde-oreille. Je voudrais vous volez quelques minutes pour vous sensibilisez à la réalité terrain de ce problème alarmant.

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J'ai toujours été un solitaire. Vous savez, le petit je-sais-tout de la classe qui répond à toutes les questions du professeur? Eh bien c'était moi. Je n'étais pas particulièrement aimé et j'ai toujours eu très peu de bons amis. En fait, les relations avec les autres gamins, ça toujours été une aventure difficile à vivre pour moi. Cela m'a pris beaucoup de force pour combattre le stress des relations interpersonnelles et finalement me faire une blonde à 20 ans. C'est vers mes 22 ans que les premiers symptômes ont débutés.

Au début, je me disais que c'était ce que j'avais mangé ou que je devais être malade. C'est quand même pas normal de se lever le matin avec le coeur au bord des lèvres, de courir jusqu'aux toilettes et vomir ses tripes. Après une semaine ou le manège se répétait chaque matin, j'ai décidé d'aller consulté le gastro-entérologue qui regarda sous tous les angles mon estomac pour me dire que j'étais en parfaite santé ou plutôt, que mon estomac l'était.

C'est deux ans après avoir ma première crise d'anxiété que j'ai découvert le mal dont j'étais la victime. Heureusement pour moi, j'étais au cégep et j'avais droit à mes cinq rencontres gratuites avec la psychologue du collège. C'est elle qui a su placer les bons mots pour décrire le mal qui m'accompagnait depuis plusieurs années. Elle m'a aussi permis de mettre en place des stratégies pour gérer mon stress et éviter de sombrer dans la roue infernale de l'anxiété. Seconde coïncidence, mon parcours académique m'a mis en contact direct avec les problèmes de santé mentale et la curiosité m'a fait découvrir énormément à ce sujet. J'ai finalement appris que c'était bien de demander de l'aide lorsque nous sommes prêts à la recevoir.

Plus tard, un psychiatre m'a aussi dit que j'étais hypersensible au stress. Rien pour facilité mon combat contre l'anxiété! Le problème c'est qu'il n'existe pas de pilule magique contre les problèmes de santé mentale. On peut vivre avec toute sa vie ou ça peut être situationnel. Chaque personne le vivra de manière différente.

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Par un concours de circonstance, à la fin de mes études, un conflit avec un enseignant du collège rouvre cette vieille blessure et ma psychologue du collège est en arrêt de travail. Il m'est impossible de consulter malgré mon besoin criant d'aide psychologique. Mon dossier est référé à un CLSC et je suis placé sur une liste d'attente. Quelques mois plus tard, je reçois un coup de téléphone pour signer des papiers à ce CLSC afin que ma psychologue puisse leur transférer mon dossier, j'oublie de me présenter parce que je n'ai pas dormi de la nuit et puis deux semaines plus tard je reçois une lettre m'annonçant que j'ai été retiré de la liste d'attente.

Le temps passe et je m'inscris à un second CLSC de l'île de Montréal. Malheureusement, la liste d'attente est de plus d'un an. Je me concentre donc à trouver un emploi et vivre au jour le jour malgré le problème qui gruge de mon énergie sans relâche, jour après jour.

Après sept mois d'attente, les crises reviennent me hanter. Cette fois-ci, c'est le matin en me levant pour aller au travail que j'en ressens les symptômes. Tellement, que je suis forcé de prendre des congés maladies. Mon employeur le prend mal et des conflits apparaissent avec certains de mes supérieurs, ce qui ne m'aide pas du tout. Finalement, après une semaine d'insomnie, j'appelle ma soeur au bord d'une crise de larme et je lui demande de m'accueillir chez elle hors de Montréal afin de me remettre sur mes pieds. Je quitte mon emploi et repart faire ma vie. Le poids disparaît après seulement quelques jours, mais je dois recommencer à m'établir dans une nouvelle ville. Une chance que ma soeur était là.

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Je m'inscrit à un troisième CLSC, cette fois-ci, après un mois d'attente pour la rencontre initiale, la travailleuse sociale m'avoue d'emblée que la liste d'attente est d'un à deux ans selon la priorité accordé aux besoins de la clientèle. En d'autres termes, à moins d'être suicidaire, c'est la liste d'attente qui nous attend. Qui plus est, lorsque la personne n'est plus dangereuse pour elle-même, elle retournera sur la liste d'attente. Et cette liste s'allonge de jour en jour. Le CLSC a même engagé une gestionnaire de liste d'attente plutôt qu'un professionnel de la santé qui travaillerait sur le terrain. Vaut mieux gérer les apparences que régler les problèmes de fonds hein?
Le mieux reste d'être étudiant, d'avoir accès à un programme d'aide aux employés ou d'être riche afin d'avoir accès adéquatement à de l'aide psychologique.

Je perds foi en notre système de santé chaque jour où je tente d'obtenir des services de bases en santé mentale. C'est pourtant ce que nous devrions considérer comme le minimum absolu de qualité de vie et reflétant nos valeurs canadiennes et québécoises. Nous nous dirigeons vers un mûr et notre société préfère parler de charte de valeurs, en oubliant le droit universel à la santé. La santé de notre esprit.


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Après un message rendant compte de ma situation sur les médias sociaux et en moins d'une journée, des dizaines de personnes viennent me saluer, afficher leur solidarité ou me suggérer des ressources alternatives et communautaires. Cette bonté venant de pures inconnus me redonne courage envers notre société. Pourtant, ces organismes communautaires subissent des coupures pour des raisons budgétaires venant du gouvernement du Québec. C'est pourtant ces organismes qui sauvent le manque de ressources persistant dans le modèle du système de santé québécois.

Yann Roshdy
1Scientific Advisory Committee to the Global Business and Economic Roundtable on
Addiction and Mental Health. (2002). Mental health and substance use at work:
Perspectives from research and implications for leaders.

2http://www.iusmm.ca/hopital/sante-mentale/en-chiffres.html

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