Où sont les Condorcet?
En ce mois de l'histoire des Noirs, il est très intéressant de faire preuve d'humilité et de se plonger dans cette époque révolue, simplement pour se rendre compte de certaines similitudes avec la vie d'aujourd'hui.
"Mais si ce dernier (l'esclavage) est désormais partout aboli, mettant fin à une pratique plurimillénaire, l'assujettissement et la privation de liberté demeurent des questions d'actualité. En 2005, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour n'avoir pas explicitement fait condamner un cas d'esclavage domestique. Le Bureau international du travail considère que 12,3 millions de personnes sont victimes de travail forcé. La traite d'êtres humains, l'exploitation sexuelle et l'esclavage moderne persistent dans les pays riches comme dans les pays pauvres: autant de fléaux qui appellent de nouveaux Condorcet."
Où sont donc ces Condorcet? Où sont ces personnages issus de la Noblesse qui renient les vertus révolutionnaires ET leur propre caste d'aristocrates afin de s'attaquer, armés d'une plume et de raison, autant au populisme démagogique de ces révolutions, qu'aux institutions qui profitent de ces injustices toujours présentes aujourd'hui?
La réponse, c'est qu'ils se planquent au sein des institutions réactionnaires en criant qu'ils font de leur mieux. Ils se goinfrent de gloire et de félicité en faisant des "ice bucket challenges" pendant que le précariat, l'esclavage moderne, souffre et répond à cette indifférence en choisissant le cynisme, l'extrémisme politique, la radicalisation et la criminalité.
"Vos tyrans me reprocheront de ne dire que des choses communes, et de n'avoir que des idées chimériques; en effet, rien n'est plus commun que les maximes de l'humanité et de la justice; rien n'est plus chimérique que de proposer aux hommes d'y conformer leur conduite."
La mondialisation et la financiarisation de l'économie, en plus de la libéralisation des marchés, auront fait des nouvelles générations d'individus les esclaves de la modernité. Il n'est plus question de moyens de production mais plutôt de la déréglementation suivie de la reréglementation des marchés en fonction d'un rendement fixé qui implique une dépréciation de la qualité de vie des travailleurs. Le travailleur précaire, le précariat, est une marchandise qui doit suivre les cours de la bourse. Et l'État est là pour protéger le capital des financiers en cas de surchauffe ou refroidissement des marchés.
J'en parle dans mon manifeste des chemises déchirées, le précariat n'est plus une question de salaire et de sa position en fonction des moyens de production mais plutôt une question relative à la sécurité de l'emploi et aux conditions du travail rémunéré. Les premiers touchés au sein de notre économie tertiaire sont: les migrants et travailleurs étrangers, les autochtones, les minorités visibles, les personnes issus de la pauvreté, les hommes (les femmes ont plus de sécurité économique dans une économie de type tertiaire - et grâce à la beautification de l'économie... donc je parle des gens beaux et belles), les anciens détenus et les handicapés.
"Tout homme né sans bien, et qui acquiert une grande fortune, est nécessairement un homme avide, peu délicat sur les moyens d'acquérir, qui a sacrifié son plaisir et son repos à son avarice; plus les moyens de s'enrichir lui ont coûté de soins, plus il a été obligé de s'occuper d'affaires d'argent, plus il est certain que l'amour des richesses est sa passion dominante. Or les âmes attaquées de cette passion peuvent prendre le masque de toutes les vertus, et même du désintéressement, mais elles n'en ont réellement aucune. Si vous n'avez besoin que d'une probité commune, on en trouve dans tous les états, dans toutes les fortunes, mais si vous exigez quelque chose de plus, ne la cherchez jamais parmi les hommes, qui ayant passé de l'indigence à une fortune médiocre pour leur état, ne s'y sont pas arrêtés. "
En effet, notre médiocratie actuelle est surtout une génération de faux culs qui se cache derrière les dons, les émotions malléables en fonction de la cause et la signature de pétitions. Dans les faits, peu sont ceux qui feront des gestes concrets afin de produire un impact tangible autour d'eux et de leur communauté... surtout si le but n'est pas de recevoir la glorification de titre de noblesses; des statuettes à leur effigie rendant compte de leur auguste ego démesuré.
"Pour qu'un pays jouisse d'une véritable liberté, il faut que chaque homme n'y soit soumis qu'à des lois émanées de la volonté générale des citoyens; qu'aucune personne dans l'État n'ait le pouvoir, ni de se soustraire à la loi, ni de la violer impunément; qu'enfin chaque citoyen jouisse de ses droits, et qu'aucune force ne puisse les lui enlever, sans armer contre elle la force publique. L'amour de cette espèce de liberté n'existe pas dans le coeur de tous les hommes, et à voir la manière dont se conduisent, dans certains pays, ceux qui en jouissent, il n'est pas bien sûr qu'eux-mêmes en sentent tout le prix. Mais il y a une autre liberté, celle de disposer librement de sa personne, de ne pas dépendre, pour sa nourriture, pour ses sentiments, pour ses goûts, des caprices d'un homme; il n'est personne qui ne sente la perte de cette liberté, qui n'ait horreur de ce genre de servitude."
Malheureusement, le précariat perd peu à peu ces libertés au profit de cette médiocratie bureaucratique et financière. On peut remarquer les effets de ces politiques économiques en se rendant compte des politiques d'austérité, des pertes d'emplois au profit des pays en voie de développement (qui utilisent des travailleurs esclaves pour certains...) et grâce aux changements à nos filets sociaux qui se rapprochent de la société panoptique (où les assistés sociaux travaillent plus pour justifier leur aide social que pour les aider à s'extirper de ce cercle vicieux).
"N'est-il pas à la fois ridicule et atroce de soutenir qu'un homme est bien parce qu'il aime mieux son état que de mourir de faim?"
Où sont les Condorcet?
Ils ont fui la médiocratie et se terrent loin des médiocres.
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