Radicalisation et islamisation
Avec les attentats terroristes en sol européen qui se répètent à intervalle régulier, le voile du Réel est soulevé. Le Réel d'une société fragilisée par les inégalités, les logiques ségrégationnistes et une reproduction sociale décomplexée. Cette réalité nous apparaît après plus de 30 ans de gangrène néolibérale mondialisée malgré les nombreux cris d'alarme lancé par les quelques individus ignorés par les médias, les élites et nos médiocres endimanchés. La fracture populiste ridiculisée et minimisée par ces élites corporatistes, politiques, intellectuelles, académiques et médiatiques culmine par les séismes d'une extrême-droite en tête des sondages partout sur nos continents. Le cynisme, le désintérêt, la radicalisation et la démagogie est une hydre à quatre têtes à laquelle nous sommes confrontés. Cette créature mythique doit être comprise en tant que symbole avant d'être conquise par l'effort concerté d'un peuple prenant le contrôle de ses institutions laissées à l'abandon de la gouvernance et d'une médiocratie en guise de société.
Est-ce qu'il s'agit d'une radicalisation de l'Islam ou d'une islamisation des radicalités? Considérant que le monde dans sa représentation est plus facile à saisir à travers les manichéismes, cette question n'est pas épargnée par ce phénomène. Deux visions de la société moderne nous sont proposées. La première, plutôt universaliste et libérale, représentée par des sociologues comme Olivier Roy et Raphaël Liogier, parlent de l'islamisation d'une révolte générationnelle et nihiliste. Les seconds, plutôt réactionnaires, va-t-en-guerres et différentialistes, y voient plutôt le phénomène d'une radicalisation de l'Islam dans son essence provoquant un choc entre deux cultures irréconciliables. Il va s'en dire que ce manichéisme est instrumentalisé autant par les bisounours criant le "pas d'amalgames" que les xénophobes lançant des "retournez chez vous" aux réfugiés d'un Réel en plen changement.
Malheureusement, ces deux visions cumulent un conflit entre la vision macroscopique et microscopique des phénomènes historiques. Ainsi, le principe dune révolte nihiliste, issu des recherches en psychologie, est en effet présent chez la grande majorité des djihadistes qui se font sauter afin d'atteindre l'idéal d'un arrière-monde. Cet arrière-monde était aussi présent dans les années 70 au sein des groupes d'extrême-gauche communistes coupables de violences un peu partout en occident. Malgré tout, ce principe ne prend pas en compte la réalité macroscopique des perceptions de l'individu moyen dans un environnement spécifique. En effet, le retour du sacré et l'essor du fondamentalisme islamique au Moyen-Orient et en Occident sont des faits établis. Cette réalité où baigne ces individus les influence, qu'on le veuille ou non, à travers les choix qu'ils font dans leur vie.
Or donc, le Réel se trouve entre les deux. Considérant que nous ne sommes pas des êtres rationnels isolés de notre environnement et que notre environnement n'est pas gage d'un déterminisme absolu aboutissant à une différence irréconciliable entre un "Islam essentialisé" et un "occident moderne", il faut comprendre et accepter le Réel tel qu'il est: le terrorisme existe par la révolte d'une génération d'indignés en carence d'identité ou d'accomplissements économiques et sociales, en conjonction avec un environnement fondamentaliste qui favorise l'émergence des solutions belliqueuses. Qui plus est, la question des politiques extérieures islamophobes augmente la portée de ce différentialisme autant en Occident qu'au Moyen-Orient.
Maintenant qu'on a comprit le Réel, il est temps de le conquérir plutôt que de le subir.
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